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L’AMNISTIE


semblaient la preuve certaine des machinations du gouvernement ; il en remit une épreuve au député Le Hérissé, autrefois l’un des lieutenants les plus échauffés de Boulanger et maintenant l’un des chefs en vue du parti nationaliste[1].

XV

Tous les chefs de la Droite furent informés qu’on avait les lettres de Tomps[2], la preuve que Waldeck-Rousseau, par sa police, travaillait à préparer la revision pendant que je l’annonçais à Digne. L’occasion parut bonne, de celles qu’on ne retrouve pas. Dès qu’il s’agissait de renverser le ministère qui avait proposé la suppression des congrégations et appelé les socialistes au pouvoir, le concours des modérés, de Méline et de Ribot, qui ne choisissaient pas les prétextes, était certain. Il suffisait, pour mettre le ministère en minorité, de détacher à gauche vingt-six voix, deux douzaines de ces députés flottants entre les partis, à demi-nationalistes, à demi-radicaux, qui, depuis l’Affaire, rivalisaient de violence avec les antisémites, avaient trouvé Méline trop faible dans sa bataille contre le « Syndicat », et ne pardonnaient pas à Waldeck-Rousseau de croire à l’innocence de Dreyfus.

Enfin, on comptait sur quelques anciens ministres qui ne se consolaient pas de ne plus l’être[3].

  1. Chambre des députés, séance du 22 mai 1900, discours de Le Hérissé.
  2. À la séance du 28 mai, lorsque Galliffet dit qu’il ignorait absolument l’existence des lettres, Cochin l’interrompt : « Vous étiez le seul à l’ignorer. »
  3. Clemenceau, La Honte, 194 : « Ils veulent être ministres (Barthou, Poincaré, Mesureur, etc.) ; ils ont les vœux du P. du Lac ».