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L’AMNISTIE


retenait, ne parvenait pas à se mettre d’accord. Sur onze commissaires élus dans les bureaux, six demandaient l’extension de l’amnistie aux condamnés de la Haute-Cour ; les cinq autres, bien que ministériels, regrettaient que la loi visât exclusivement l’affaire Dreyfus et réclamaient pour les menus délits politiques et de droit commun dont l’amnistie attendait depuis deux ans devant le Sénat.

Guérin, dans son rapport, avait observé que le mot d’« amnistie » n’était pas dans la loi. En fait, puisqu’il n’y avait pas d’autre condamnation passée en force de chose jugée que celle de Dreyfus, l’extinction des actions pénales équivalait à l’amnistie. Le projet portait : « L’action publique est éteinte à raison des faits se rattachant à l’affaire Dreyfus… » Beaucoup de députés tenaient au mot, insistaient pour rédiger ainsi l’article premier : « Amnistie pleine et entière est accordée… »

Krantz, président, et Déribéré-Desgardes, rapporteur de la commission, firent une démarche auprès de Fallières : s’ils réclament l’amnistie pour les condamnés de la Haute-Cour, ils n’entendent point exprimer un blâme pour l’œuvre accomplie par le Sénat ; ils considèrent l’extension de l’amnistie comme une nécessité politique.

Waldeck-Rousseau, appelé devant la commission, maintient le projet tel que le Sénat l’a voté. Il se refuse formellement à laisser sortir de prison ou rentrer en France les condamnés de la Haute-Cour ; « on ne donne pas l’amnistie à ceux qui l’attendent comme on attend des excuses ». Y consentira-t-il plus tard ? Le gouvernement n’engage pas l’avenir.

Au vote, l’amendement tendant à l’extension de l’amnistie aux condamnés de la Haute-Cour fut repoussé à égalité de voix, en raison de l’absence d’un des commissaires qui y étaient favorables ; sur quoi la commis-

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