Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/147

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L’AMNISTIE


doutable, leur fortune ne l’est pas moins. Il a signalé à la tribune « le péril d’une main-morte grandissante et qui menace le principe de la circulation des biens ». Il se défend « d’avoir obéi à de vaines alarmes » et il jette aux convoitises le chiffre de leurs biens immobiliers : un milliard.

On vit le milliard, on crut le tenir.

Presque toutes les idées de ce discours sont justes, les faits allégués sont exacts ; mais il ne suffit pas à l’homme d’État de produire des faits exacts et de formuler des idées justes, il doit en calculer les conséquences, le développement à travers la lutte des partis. Ce calcul, Waldeck-Rousseau ne le fit pas. Un jour viendra où le plus étonné de la moisson sortie des graines qu’il a semées à toute volée, ce sera lui.

XX

De l’Affaire, pendant ces longues vacances, il ne fut pas question, sauf dans quelques escarmouches de presse qui n’intéressaient plus. Dans les deux camps, les journaux qui avaient vécu de l’Affaire dépérissaient ; leurs lecteurs allaient à la presse d’informations ; la presse politique, selon la vieille formule, ne répondait plus au goût du public ; il voulait des nouvelles rapides, sommaires, fussent-elles hasardeuses.

Dreyfus, après avoir passé l’hiver et le printemps à Carpentras, achevait de reconstituer ses forces, scientifiquement, comme il faisait tout, aux environs de Genève[1]. Il m’avait écrit souvent ; j’allai le voir en sep-

  1. À Cologny