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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Trarieux, au nom de Picquart, comme Vazeille avait fait à la Chambre, demanda qu’il fût excepté de l’amnistie : « Picquart n’admet pas que son nom puisse être associé à celui de certains coupables. Il se sent, il se sait innocent. Il ne veut pas d’une mesure de clémence. Il réclame la justice, il veut des juges. » Aussi bien ni l’affaire Boulot ni celle des pigeons-voyageurs ne se rattachent par aucun lien à l’affaire Dreyfus. L’arrêt de la Cour de cassation sur le règlement des juges est explicite et formel : « Attendu qu’il n’existe pas de connexité entre ces faits et ceux, — la prétendue falsification du petit bleu, l’usage de faux, — qui viennent d’être relevés comme connexes…[1] »

Distinction exacte en droit, mais l’est-elle en fait ? Quand l’arrêt en règlement de juges a été rendu, est-ce que Leblois, à la demande de Picquart, ne s’est pas pourvu à l’encontre, aux seules fins de retarder la décision du conseil de guerre qui n’aurait pas manqué de condamner son ami[2] ? Est-ce que Picquart lui-même, plus récemment, n’a pas demandé à Millerand d’obtenir une enquête supplémentaire qui aboutirait à un non-lieu ?

Trarieux ne feint pas d’avoir oublié ces craintes d’hier ; il rend hommage « à l’intention protectrice et bienveillante » de Waldeck-Rousseau. « Je sens moi-même, dit-il, toute la responsabilité que je prends en m’y opposant, mais je parle au nom d’un homme qui n’est pas un homme vulgaire et qui affrontera tous les dangers, s’il le faut. »

Que peut répondre Waldeck-Rousseau ? Que Picquart, sans doute, a le droit de s’offrir maintenant au

  1. Voir t. V, 23.
  2. Voir t. V, 24.