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L’AMNISTIE


de la guerre ». Maintenant Séverine raconte[1] sa conversation, en wagon, « avec un gentilhomme de bonne souche et d’honorabilité notoire », — Ferlet de Bourbonne, ancien zouave pontifical, ancien sous-préfet, qui faisait partie du petit groupe royaliste où l’on tenait que Naundorff était Louis XVII et ses descendants les rois légitimes de France. — « L’an dernier, a dit le « gentilhomme », le général Mercier portait sur lui la photographie du bordereau annoté, cousue entre deux parchemins, avec des cordons, entre chemise et peau, comme un scapulaire ; il devait l’arracher en pleine audience, la jeter comme un gant, en défi. » — Rochefort certifia que rien n’était plus exact : « J’en ai assez. Je prie le commandant Cuignet de me citer en témoignage. On saura alors comment le bordereau écrit, sur papier fort, par le félon, a été envoyé à l’Empereur d’Allemagne lui-même, qui l’a retourné à Schwarzkoppen annoté de sa main impériale et agrémenté d’une recommandation (« Dites à cette canaille de Dreyfus… ») signée en toutes-lettres[2]. » — Sur quoi, invitation du Siècle et de l’Aurore au Garde des Sceaux d’ouvrir une enquête ; le faux est manifeste ; l’enquête sur le bordereau annoté sera la préface de la revision.

Le Sénat éprouvant quelque répugnance à étendre l’amnistie aux anarchistes, Waldeck-Rousseau tira argument de ce « recommencement » d’agitation. Tant d’efforts « pour empêcher l’amnistie d’aboutir » en montraient une fois de plus la nécessité. Il supplia les sénateurs de passer outre à leurs scrupules, de s’inspirer « de plus larges et de plus hautes préoccupations[3] ».

  1. Fronde du 20 décembre 1900.
  2. Intransigeant du 24.
  3. Séance du 24 décembre.