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L’AMNISTIE


des mauvais jours, quand il souffrait pour la justice avec tant de noble simplicité et paraissait si grand ; les journaux républicains s’abstinrent, pour la plupart, de commentaires. Il leur eût coûté de le blâmer et Waldeck-Rousseau n’avait pas besoin d’être défendu.

Quelques autres manifestations se produisirent : Zola adressa une longue épître à Loubet, triste et digne : « J’ai rempli tout mon rôle, le plus honnêtement que j’ai pu, et je rentre définitivement dans le silence. » Il n’a plus de haine que contre les idées et « les forces mauvaises ».

Les politiques n’avaient pas attendu le vote du Sénat pour dire leur mot. Selon Jaurès, l’atmosphère allait « s’assainir[1] ». Selon Clemenceau, « jamais l’horizon n’avait été chargé de plus de nuages[2] ». Je constatai simplement la défaite des adversaires de l’amnistie : « Je m’abstiendrai de vaines déclamations ; il n’y a pas de politique plus basse que celle des attitudes et des gestes[3]. »

Enfin Dreyfus prouva le mouvement en marchant. S’emparant des articles de Rochefort sur le bordereau annoté, il écrivit à Waldeck-Rousseau : « Mon innocence est absolue ; cette innocence, j’en poursuivrai jusqu’à mon dernier souffle la reconnaissance juridique par la revision. Je ne suis pas plus l’auteur du bordereau annoté par l’Empereur d’Allemagne, qui n’est qu’un faux, que du bordereau original authentique, qui est d’Esterhazy. Sauf Henry, tous les principaux auteurs de mon inique condamnation sont encore en vie. Je ne suis pas dépouillé de tous mes droits ; je conserve le

  1. Petite République du 19 décembre 1900.
  2. Dépêche du 21.
  3. Siècle du 19.