Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE II

LE BORDEREAU ANNOTÉ

I

Les partisans de Dreyfus, si étroitement unis pendant la bataille, s’étaient fort divisés depuis un an, en désaccord sur la grâce d’abord, puis sur l’amnistie, et, surtout, repris par la vie, et chacun par son passé. Deux ans durant, amis et adversaires de la veille, venus de tous les points de l’horizon, ils avaient été dominés par une seule idée, avaient combattu joyeusement et souffert pour elle. L’idée ne les dominait plus. Pourtant, ils ne s’éloignaient que lentement les uns des autres, avec regret, revenaient sur leurs pas, aimaient à revivre en causeries les combats qu’ils avaient livrés et à chercher dans l’avenir les signes de la victoire définitive. C’était l’automne d’une belle cause, où l’on sent l’approche de l’hiver, mais où l’été dure encore.

L’hiver arriva brusquement, amené par l’événement