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L’AMNISTIE


tout de suite Picquart hors de cause. La question était par malheur moins simple que nous l’avions pensé. Le procureur général Manau, chargé par Monis de l’étudier, conclut qu’il fallait laisser suivre leur cours aux deux misérables affaires qui restaient retenues contre Picquart. Il aurait été heureux de le soustraire à la fois aux risques d’un conseil de guerre et à la promiscuité d’une amnistie avec Mercier ; mais la loi était la loi. En effet, quand la Chambre criminelle avait été saisie de la demande de Picquart en règlement de juges au sujet des différentes plaintes qui avaient été portées contre lui, les procédures étaient terminées[1], toutes ces affaires « en état », à la veille d’être plaidées. C’était donc pour être jugées au fond que la Chambre criminelle avait renvoyé les unes à la juridiction civile, les autres à la juridiction militaire. L’affaire du petit bleu avait été jugée le 13 juin par la Chambre des mises en accusation ; pareillement, il n’y avait plus qu’à faire juger par le conseil de guerre l’affaire Boulot et celle des pigeons voyageurs. Tout supplément d’enquête aurait été illégal[2].

Quand Picquart connut les conclusions du vieux procureur général, il en conçut beaucoup d’humeur contre Waldeck-Rousseau.

  1. Articles 127 et suivants du Code d’Instruction criminelle.
  2. Ce qui n’empêchera pas Clemenceau d’écrire que « Galliffet refusa brutalement » la demande d’enquête supplémentaire qui avait été formée par Picquart. (Aurore du 14 novembre 1899.)