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LE BORDEREAU ANNOTÉ


seille (IVe circonscription), où tous les candidats républicains se retirèrent en sa faveur, firent l’union sur son nom.

Bien que Mesureur, ancien ministre sous Bourgeois, se fût borné à voter silencieusement avec Brisson et Waldeck-Rousseau, l’Affaire fut exploitée contre lui, dans le IIe arrondissement de Paris, comme s’il en avait été l’un des promoteurs. Il y avait pour concurrent un universitaire, ancien professeur d’histoire, Syveton, trésorier de la Ligue pour la Patrie Française et son véritable meneur sous la présidence, devenue presque nominale, de Lemaître qui avait en lui une confiance sans réserve et lui prédisait les plus hautes destinées. C’était un homme jeune encore, d’assez belle prestance, tout en torse, aussi parfaitement dépourvu de scrupules qu’il est possible de l’être, radical hier, aujourd’hui nationaliste, qui étouffait en province et que Paris aveugla. Se poussant dans le monde, d’une extrême souplesse auprès des nobles et des riches, pourri de mœurs sous le mensonge de sa tenue, il était tourmenté de besoins d’argent et prêt à tout pour y satisfaire, jusqu’à puiser dans les caisses de sa Ligue, pendant qu’il déclamait contre l’improbité et les vices des républicains. Il mena furieusement sa campagne contre Mesureur, traînant à sa suite dans les réunions des bandes recrutées pour toutes les violences et avec un seul thème : Mesureur, tous les défenseurs de Dreyfus, sont des « traîtres[1] ».

On se souvient qu’à la veille du jugement de Rennes, Waldeck-Rousseau, s’attendant à la condamnation de

  1. Rapport de Paul Beauregard, au nom de la Commission chargée de procéder à une enquête sur les opérations électorales dans le 2e arrondissement de Paris, Annexes, dépositions de Mesureur, Oudard, H. Queroy, Camille Bellanger, etc.