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LE BORDEREAU ANNOTÉ

Du premier jour, la majorité accrue marque résolument son intention : elle n’éprouve aucun besoin de prendre haleine, ne s’arrêtera pas à l’étape. Tout de suite, elle nomme Bourgeois à la présidence contre Deschanel (1er juin 1902).

Cette majorité qu’il avait faite, aurait-elle suivi Waldeck-Rousseau ? Combien de temps l’autorité, le crédit extraordinaire qui lui étaient venus de son talent et de ses succès, de sa sagesse et de sa hardiesse, auraient-ils résisté aux justes et aux téméraires impatiences ?

Il était sans précédent qu’un ministre, dont la politique avait remporté devant le pays un tel succès, y répondît par sa démission. Cependant, Waldeck-Rousseau donna la sienne, qui entraînait celle de tout le cabinet, parce qu’il considérait comme accompli le programme qu’il s’était tracé en prenant le pouvoir, et parce que ses forces physiques ne lui permettaient pas d’y rester[1]. En effet, il s’était usé à la peine, se sentait profondément atteint, peut-être déjà du mal lent et sûr qui devait l’emporter.

Son ministère, qui avait failli ne durer qu’un jour, avait duré trois ans ; aucun ministère, sous la République, n’avait atteint une pareille longévité.

Bourgeois, puis Brisson ayant décliné la mission de former le gouvernement, Loubet, à l’étonnement de tous, sauf de quelques parlementaires, l’offrit à un sénateur, le docteur Combes, qui avait été ministre déjà avec Bourgeois et venait de prendre une part importante au vote de la loi sur les associations, mais dont la réputation n’était pas allée encore au grand public. Loubet, qui l’avait pratiqué, n’avait aucun goût

  1. Lettre du 3 juin 1902 au Président de la République.