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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


pareilles folies, comme de toutes les autres élucubrations de Bertillon, de Valério[1], et de « l’ancien élève de l’École polytechnique ». Pour le commandant Corps, qui s’était halluciné, lui aussi, à voir « une écriture géométrique » dans le bordereau, il avait imaginé un type de gabarit différent du type de gabarit de Bertillon, de sorte que les deux cryptographes se détruisaient l’un l’autre. Cependant le merveilleux et l’incompréhensible, même quand ils sont niais, ont eu toujours une telle prise sur les esprits que, déjà, plusieurs hommes de science avaient jugé utile de réfuter mathématiquement ces divagations[2]. La Cour décida de soumettre l’ensemble de tous « ces secrets de chancellerie » à trois experts. Elle demanda à l’Académie des sciences de les désigner. L’Académie fit choix de son secrétaire perpétuel Darboux, d’Appell, doyen de la Faculté des Sciences, et de Poincaré, professeur de calcul des probabilités à la Sorbonne, qui s’adressèrent ; à leur tour, pour la vérification des mesures de Bertillon et de son disciple au bureau des Longitudes. Et Lœwy, directeur de l’Observatoire, assisté de Puiseux et de Morvan, y procéda, « en se servant de l’appareil de précision qui avait été construit pour l’étude des photographies de la lune[3] ».

  1. Il était mort en janvier 1903 ; Gaston Pollonnais, dans le journal d’Arthur Meyer, insinua qu’il avait été assassiné « Mort sans avoir jamais été malade, mort comme tous ceux qui auraient pu gêner dans l’avenir la réhabilitation de Dreyfus. » (Gaulois du 10 janvier 1903.)
  2. Notamment Painlevé (membre de l’Académie des Sciences, professeur de mathématique générale à la Sorbonne), Monod (membre de l’Institut, maître de conférences à l’École normale), Auguste Molinier (professeur à l’École des Chartes), Javal (membre de l’Académie de Médecine), le docteur Héricourt. Bernard (ingénieur du corps, des Mines).
  3. Rapport Darboux.