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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


tions ont continué, on agira sur le mari. Le point principal est d’obtenir un récit, une déclaration écrite qui remplacerait la déposition orale avec l’assurance que le nom ne sera pas donné.

Comme la note, avec la phrase infâme : On agira sur le mari, était antérieure de quelques jours à la lettre où Pellieux dénonça Mme Monnier à son mari[1], Baudouin établit un lien entre les deux pièces. En effet, Pellieux a signalé à Gonse, deux jours auparavant[2], que « Picquart se serait rendu à Berlin pour s’y rencontrer avec Schwarzkoppen », puni d’une recommandation de Panizzardi, et Gonse a écrit au dos de la lettre l’adresse de « la maîtresse de Picquart[3] ». Gonse protesta qu’il y avait simplement coïncidence ; aussi bien avait-il seulement recopié sur un mémento des notes de Guénée, — ce qui parut vraisemblable, mais n’atténuait point la vilenie, — et il n’avait fait qu’exécuter les ordres de Billot[4].

De pareils actes, commis par des soldats, semblaient plus sales encore. Il y avait eu jusqu’alors chez le soldat français, même quand il glissait vers le crime, un fond résistant de chevalerie. L’honneur de l’armée saigna. Toute cette longue histoire d’une injustice montre que la pire injustice, la plus détestable, c’est d’étendre

  1. Voir t. III, 619.
  2. 28 avril 1898.
  3. Cour de cassation, 24 mars 1904, Baudouin.
  4. Billot démentit ; « jamais de la vie », il n’avait dit à Gonse qu’il fallait agir sur le mari (25 avril 1904). — Gonse ou Boisdeffre avaient précédemment cherché à agir sur Mme Monnier par l’intermédiaire de l’une de ses amies, Mme de la Tocnaye, femme d’un intendant militaire, qui était en relations suivies avec elle et avec le père Du Lac. Mme de la Tocnaye s’y refusa. (Enquête Boucard, déposition de Mmes de la Tocnaye, Beuzon, Sayvé, avec lettres à l’appui.)