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L’ENQUÊTE


moins d’une heure, Munster fut amené à assurer qu’une note officielle, qui mettrait non pas la seule ambassade d’Allemagne, mais toutes les ambassades et légations hors de cause, donnerait satisfaction à Berlin ; et il y avait si peu d’inquiétude dans l’air que Casimir-Perier alla dîner chez sa mère avec des amis personnels et que Munster établit seulement le lendemain, avec Dupuy, le texte de la note. Le Chancelier l’accepta le surlendemain, puis Munster, le quatrième jour après sa première visite à l’Élysée, vint annoncer lui-même au Président que l’incident pouvait être considéré comme clos[1]. Ainsi, point de place pour le faux impérial dans cette négociation dont on connaît les pièces (la dépêche de Hohenlohe à Munster, où il demande une déclaration, et la note qui l’accorde) ; et point de place, dans ces quatre journées dont on connaît l’emploi, pour la nuit tragique où l’on aurait attendu dans l’angoisse à l’Élysée, jusqu’à minuit, prêt à « lancer tout à coup des ordres de mobilisation », la réponse allemande qui arriva plusieurs jours après. Mais « Munster est mort », dit mélancoliquement Casimir-Perier, « il ne peut pas me dégager de ma parole ; même aujourd’hui, je pourrais redouter qu’il y eût une complication étrangère si je venais à révéler un secret que je dois emporter avec moi dans la tombe » ; et la légende vivra.

Dès Rennes, après avoir donné lui-même la date du 6 janvier, Mercier, s’étant embarrassé dans son imposture, avait reporté la date de la nuit historique en décembre ; Boisdeffre l’avait suivi dans ce nouveau mensonge[2], où il persista devant la Cour[3]. Or, en dé-

  1. Voir t. Ier, 538.
  2. Voir t. V, 374 et 388.
  3. « Je suis convaincu que j’ai été inexact en acceptant la date du 6 janvier ; ce doit être la fin de décembre. »
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