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L’ENQUÊTE


La Cour essaya de débrouiller le cas de Weil[1] que Picquart lui avait signalé « comme l’une des grosses questions du procès ».

Picquart, qui voulait de moins en moins qu’Henry eût été l’associé d’Esterhazy, avait porté depuis longtemps ses soupçons sur Weil, accusé par Morès, dans une conférence publique à Saint-Mihiel, « d’être un espion ». Il ne le dénonçait point formellement, mais répéta que l’attitude de l’ami d’Esterhazy sous une telle imputation, lui avait paru suspecte[2]. Le lien entre ces deux hommes, « ces deux fameuses crapules », comme les avait appelés Boisdeffre[3], a été trop étroit pour ne pas impliquer la collaboration jusqu’à l’affaire d’escroquerie et d’espionnage mêlés qu’avait été le commerce d’Esterhazy avec Schwarzkoppen.

De fait, Weil, bavard, indiscret, très renseigné des choses militaires, en avait souvent entretenu Esterhazy,

    Brault, avait ordonné la réunion immédiate de la commission et prescrit qu’elle entendrait Picquart, qui signerait tous les procès-verbaux : « En principe, écrivait-il, un conseil d’enquête serait seul compétent, mais c’est là une solution incompatible avec la situation actuelle (la réforme) de M. le lieutenant-colonel Picquart. J’ai pensé qu’à tous les points de vue et en raison même de cette situation particulière, il était nécessaire de rechercher un moyen pratique permettant d’arriver par une autre voie au même résultat. »

  1. 9 mai 1904.
  2. Lettre du général Loizillon, ministre de la Guerre, au général Saussier, du 17 mars 1893 : « Après avoir espéré que, sous le coup d’une accusation aussi outrageante, M. Weil prendrait l’initiative de mesures propres à dégager son honneur et n’ayant rien appris depuis quinze jours, je juge que le moment est venu pour l’autorité militaire d’intervenir. Je vous prie de mettre M. Weil en demeure de vous fournir des explications au sujet de l’attitude qu’il garde en présence d’accusations déshonorantes. » — Sur la démission de Weil à la suite de cet incident, voir p. 335.
  3. Cass., I, 170, Picquart. — Voir t. III, 439.