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L’ENQUÊTE


verbalement, qu’il n’avait envoyé à Esterhazy que le règlement sur le service des bouches à feu avec une réglette de tir. Ainsi Esterhazy avait perdu l’un de ses meilleurs mensonges ; il lui fallut dire à Pellieux qu’il ne se souvenait plus s’il avait reçu de l’officier juif un manuel ou un autre document d’artillerie, et Bernheim était devenu du premier jour un mauvais témoin. Cité au procès d’Esterhazy, il n’y fut pas entendu, la défense et l’accusation ayant renoncé à son témoignage[1].

Lorsque la date exacte du bordereau fut révélée au procès Zola, quelques-uns des partisans de Dreyfus s’inquiétèrent de la réponse de Bernheim à Pellieux, parce qu’il y aurait eu alors « avantage » pour eux, comme précédemment pour Esterhazy, à ce que Bernheim lui eût prêté au mois de septembre, à l’époque même où le bordereau avait été écrit, non plus le règlement sur le service des bouches à feu, mais le manuel d’artillerie. Cependant Bernheim, à Rennes, persista dans sa déclaration, parce qu’il ne voulait dire que la vérité, et il y persista encore lorsque Hartmann l’interrogea, quelque temps après le procès, sur la nature exacte de l’envoi qu’il avait fait à Esterhazy. Hartmann lui dit que l’envoi, avoué par lui, de la réglette de tir impliquait forcément celui du manuel et qu’ainsi il le soupçonnait d’avoir faussement déposé devant Pellieux, par peur de convenir d’un fait qui aurait pu le compromettre. Bernheim, pour démontrer sa véracité, dont il m’avait convaincu et dont j’essayai vainement de convaincre Hartmann, demanda à Galliffet qu’il lui fut donné communication de sa lettre du 20 novembre au général de Pellieux, écrite avant sa déposition et hors de toute influence intimidante

  1. Voir t. II, 104 ; III, 100 et 213.
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