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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


qu’il aurait subie. Il lui fut répondu par le service du contentieux que le rapport était au dossier et n’en pouvait sortir[1].

Targe, ayant eu connaissance de l’opinion de Hartmann sur le cas de Bernheim, l’avait adoptée[2], bien qu’il eût trouvé au dossier la lettre du 20 novembre, qui aurait dû l’empêcher de tomber dans une erreur désormais insoutenable.

Baudouin cita Hartmann et lui fit connaître la déposition où Targe se réclamait de son opinion au sujet des rapports de Bernheim et d’Esterhazy[3].

Hartmann venait de quitter l’armée. Il avait perdu l’année d’avant l’un de ses fils, mort au service, à la suite d’un excès de fatigue, alors que, déjà malade, il eût fallu le mettre à l’hôpital. De tels deuils, une jeune et chère existence brisée par la dure impéritie des hommes, décolorent la vie, ne font prendre l’humanité en plus grande pitié que par les saints. Hartmann, porté déjà à la misanthropie, s’y enfonça davantage. On trouvera plus loin le récit de faits graves qui se passaient depuis quelque temps au ministère de la Guerre (l’affaire dite des fiches). Hartmann en fut informé avant qu’ils ne devinssent publics ; il s’en indigna d’autant plus que leurs auteurs se réclamaient du parti qui avait remué le pays pendant plusieurs années au nom des principes les plus élevés et s’était flatté d’avoir

  1. Cour de cassation, 9 mai 1904.
  2. Ibid., 19 mars 1904, Targe : « Le lieutenant-colonel Hartmann vous démontrera (c’est du moins mon opinion) qu’il est très vraisemblable qu’en envoyant la réglette de tir, le lieutenant Bernheim a dû également envoyer le manuel qui ne s’en sépare pas, et que le seul reproche qu’on pourrait faire à cet officier serait, non pas de l’avoir envoyé, mais de n’avoir pas eu le courage de le reconnaître. »
  3. Cour de cassation, 25 avril 1904.