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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


conseil : « Si l’officier est dans le cas d’être mis en réforme » ; et, dès lors, « quand le conseil a répondu négativement, on est en droit d’en conclure, non que les imputations dirigées contre l’officier sont mensongères, mais seulement que les faits n’ont pas été jugés par le conseil assez graves pour motiver la réforme[1] ».

Les juridictions disciplinaires ne sont pas soumises aux mêmes règles que les juridictions criminelles ; de nombreux officiers avaient sollicité — Picquart lui-même[2] — et obtenu la réunion de conseils d’enquête, quand leur honneur était ou paraissait en jeu. Surtout André, en déniant toute valeur morale aux décisions des conseils d’enquête, ajoutait aux soupçons qui pesaient sur Ducassé ; et il n’y avait plus un innocent qui pût se prévaloir de la chose jugée.

Comme André cependant maintint Ducassé au tableau d’avancement, Clemenceau lui fit de ce manque de logique un nouveau grief[3] et continua à l’insul-

  1. Lettre du 5 juin 1903 au général commandant le XIe corps d’armée, à Nantes.
  2. Voir p. 332.
  3. Aurore du 14 février 1904. — Combes, harcelé par Clemenceau, s’opposa à l’avancement de Ducassé, écrivit par deux fois (décembre 1903) à André : « Si votre qualité de ministre de la Guerre vous gêne pour prendre une résolution, laissez-moi assumer la responsabilité de l’acte. Dites hardiment, et ce sera la vérité, que j’ai mis mon veto formel… J’ai reçu hier soir la visite de M. Clemenceau qui m’a dit en substance ce qui suit : « André se propose de porter Ducassé au Tableau avec le n° 1. C’est Fallières qui a insisté auprès de lui à cet effet. Si le ministre donne suite à cette intention, il en résultera un incident des plus retentissants et des plus fâcheux. Picquart est résolu à faire un éclat. Il dira tout ce qu’il sait. Moi-même, je serai entraîné à raconter une scène qui s’est passée devant moi entre André et Picquart. » J’ai promis à Clemenceau de vous en référer. Je ne dois pas vous dissimuler que je suis fort ému de la perspective ouverte devant mes yeux. » (Lettres publiées par André dans le Matin du 10 juillet 1906.)