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L’ENQUÊTE


demanda à passer devant un conseil d’enquête. Il s’y rencontrera enfin, dit-il, « face à face avec ses accusateurs », jusqu’alors « juges et parties dans l’affaire », « intéressés personnellement à lui nuire », et il fera justice « de leurs tortueuses machinations » ; las « de l’ostracisme dont il est systématiquement frappé, malgré son ancienneté, ses services de guerre et son loyalisme depuis longtemps éprouvé », il en appelle « à de hautes personnalités républicaines » ; « elles le connaissent depuis longtemps, savent, par conséquent, qui il est, continuent à lui témoigner leur estime et leur amitié en dépit de toutes les attaques[1] ». — C’étaient, en effet, quelques-uns des plus honnêtes gens de la République, et, d’abord, le président du Sénat, Fallières, qui avait suivi Ducassé dans toute sa carrière et s’était déjà porté son garant devant André. — Mais André refusa de convoquer un conseil d’enquête et, comme il ne pouvait pas donner la vraie raison de son refus, qui était de ne point mécontenter Clemenceau et Picquart, il en donna celle-ci : « Un officier, quelque intérêt qu’il ait à se justifier de faits qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à entraîner la réforme, ne peut substituer son initiative à celle du ministre de la Guerre. » Ainsi « un particulier ne pourrait provoquer contre lui-même de poursuites judiciaires, empiétant sur l’autorité du parquet ». Aussi bien le conseil d’enquête, si on pouvait le réunir, « ne laverait-il pas Ducassé des accusations qu’il croit avoir été formulées contre lui » ; une seule question, en effet, peut être « légalement » posée au

    nellement l’objet des attaques les plus violentes ; j’en ai supporté les conséquences et les supporte encore ; mon avenir a été brisé. » — Ducassé fut nommé colonel à 52 ans ; Picquart, au même âge, sera promu général de division.

  1. De Vannes, 25 mai 1903.