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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/356

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


fiaient encore une fois l’amère, la douloureuse parole : « L’armée moderne, sitôt qu’elle cesse d’être en guerre, devient une sorte de gendarmerie[1]. »

Ducassé, à sa décharge, eût pu, à bon droit, charger Pellieux ; il n’en fit rien, et, bien au contraire, couvrit son chef mort dans la disgrâce, chercha à l’expliquer. Pellieux, passionné et sans critique, avait eu son opinion faite par la lettre de Panizzardi (le faux Henry) que lui avait montrée Gonse. Ducassé eut des doutes sur l’authenticité de la pièce ; Pellieux le rassura : elle était arrivée avec d’autres lettres, des lettres intimes de la même écriture. Et Ducassé raconta la colère du général, « la scène d’une extrême violence dont sa lettre à Cavaignac n’est qu’une très pâle image », quand il connut les aveux d’Henry et qu’il avait été « dupe de gens sans honneur ».

Pour les lettres de Mme Monnier, qui auraient été remises au mari, jamais Ducassé ne les avait vues, jamais « il n’avait vu ni M. ni Mme Monnier » ; — il ignorait encore que cette histoire, colportée par les journaux, fût un roman forgé de toutes pièces (comme personne mieux que Picquart ne le savait, mais il laissait dire) ; — ceux qui ont fait jouer un rôle à Ducassé dans cette vilenie (qu’ils ont inventée), « ont commis,

    nonça l’acquittement de tous les prévenus (27 mai). Ducassé, cité comme témoin, tint devant le conseil de guerre le même langage que devant la Chambre criminelle : « Il n’y avait qu’à se conformer à la réquisition sans se préoccuper de ce qu’elle pouvait dire et sans discuter : voilà comment je comprends le devoir. » — La parfaite correction de Ducassé n’avait point empêché Clemenceau d’écrire : « Si vous voulez savoir le nom de l’officier qui a laissé violer impunément la discipline au profit de la faction romaine, apprenez que c’est M. le lieutenant-colonel Ducassé, qui sera à jamais flétri par l’histoire… » (Aurore du 14 février 1904.)

  1. A. de Vigny, Servitude militaire, ch. II.