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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Péroz, quelques jours après cet entretien, l’avait relaté par lettre à l’un de ses amis, Sentupéry, journaliste à Lyon, qui s’était passionné pour la Revision. Sentupéry avait gardé ces lettres de Péroz, qu’il déposa sur le bureau de la Cour. Il lui avait paru que le troisième personnage, que Dame se refusait à nommer, c’était Henry.

Ayant ainsi témoigné, Péroz éprouva quelque scrupule d’avoir mis en cause le major Dame sans lui en avoir demandé l’autorisation et, même, sans l’en avoir prévenu. Il en pourrait résulter pour lui quelque désagrément. Il lui écrivit donc pour s’excuser ; c’était ma déposition qui avait entraîné la sienne. Pour que Dame sût, à tout événement, à quoi s’en tenir, il lui résuma ce qu’il avait dit de leur entretien à Carlsruhe : « Trois complices, Esterhazy, Lajoux » et un comparse[1].

Dame, le jour même où il reçut à Bromberg, au fond du duché de Posen, la lettre de Péroz, lui répondit (13 mai 1904). Il le remercie de sa courtoisie, ne lui en veut point de son indiscrétion, alors même qu’il en éprouverait « quelque inconvénient à Berlin ». En effet, il comprend à merveille que son « camarade » français ait voulu « agir en faveur d’un innocent » ; lui aussi, c’était « son indignation qui l’avait entraîné plus loin, dans leur conversation à Carlsruhe sur l’affaire Dreyfus, que la prudence ne l’aurait permis ». Cependant, « il n’avait point demandé le silence ». Il regrette toutefois de n’avoir point été prévenu, car il aurait empêché Péroz de commettre une erreur qu’il ne peut attribuer qu’à sa propre ignorance de la langue française. Dame n’a jamais parlé de la complicité de Lajoux et d’Esterhazy,

  1. Lettre du 10 mai 1904. — Voir Appendice VI.