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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


verneur de Paris accorde la liberté provisoire des accusés[1], décision du conseil des Ministres, du même jour, pour l’inviter à la refuser ; puis, devant le fait accompli, colère d’André qui reproche violemment à Dessirier son ordonnance et requiert Vallé de la déférer à la Cour de cassation, « dans l’intérêt de la loi ». Vallé a beau objecter « qu’un pourvoi à l’occasion d’une mesure de bienveillance semblerait empreint d’inhumanité » ; André s’obstine et Vallé finit par céder, « parce que l’opinion publique a été saisie de la question par la presse[2] ».

Tout cela était dur, maladroit, en contradiction trop rapide, trop brutale, avec tant de belles paroles, de déclarations d’autrefois. Seul des principaux promoteurs de la Revision, Jaurès appuyait André ; les autres se turent, le blâmant intérieurement.

    par une lettre à Drumont et que j’écrivisse directement à André que « ni la justice ni la pitié humaine n’ont deux poids ni deux mesures », qu’il s’agît de Mme Dautriche ou de Mme Dreyfus. (11 juin 1904). Il me fit répondre, le 17, par un de ses officiers : « Le ministre a pris votre demande en considération et a invité le gouverneur de Paris à donner, si aucun motif ne s’y opposait, l’ordre de laisser Mme Dautriche approcher de son mari. »

  1. Dessirier, à qui la requête des officiers était adressée, demanda « l’avis du ministre de la Guerre ». Il rappelle, dans sa lettre, que le Code de justice militaire est muet sur la liberté provisoire, mais fait valoir qu’André lui-même l’a inscrite dans le projet d’un nouveau Code déposé depuis deux ans (17 octobre 1902), que l’instruction se prolongera longtemps et que la détention préventive « constitue une aggravation inutile du traitement infligé aux quatre officiers ». (Lettre du 25 juillet 1904.) Ne recevant aucune réponse, même verbale, le gouverneur interpréta le silence du ministre comme l’autorisation pour lui « d’agir sous sa responsabilité » et ordonna la mise en liberté provisoire (29 juillet).
  2. Lettres d’André, du 1er  août 1904, au ministre de la Justice et au gouverneur de Paris ; de Vallé, du 5 août 1904 ; d’André, du 9 août ; de Vallé, du 11.