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LA REVISION


chouanneries de commande, douloureux exodes de ces religieuses que Combes lui-même avait honorées[1]. — Dès les premiers jours de son ministère, les paysans bretons, grisés de prédications et d’alcool, dressèrent des barricades pour obstruer l’accès des écoles condamnées, sonnèrent le tocsin, accueillirent les magistrats et les soldats à coups de pierres, les inondèrent d’ordures et de boue. Tout de suite ces laides émeutes irritèrent l’opinion républicaine, la décidèrent à poursuivre la lutte « jusqu’à désarmement complet de l’ennemi[2] ». — La popularité de Combes s’étendit sous les colères qui éclataient à la tribune ou remplissaient les journaux. Ce petit vieillard, inconnu la veille, incapable de reculer, qui ne parlait pas pour les académies, surprit par sa résolution. Si la démocratie était repartie en guerre contre les moines, ce n’était point pour s’arrêter devant des textes de loi, Combes lui-même se fut-il arrêté d’abord devant eux ; ou devant les principes qui, après l’avoir aidée à vaincre, la gênaient ; ou encore devant la liberté sous le plus noble de ses aspects : celle des autres. Tout ce gros du parti républicain n’avait point cessé, un seul jour, de suivre Combes. — La démocratie est la force et le nombre : l’Église, si elle était le nombre et la force, que ferait-elle ? Cet argument suffisait. Combes a pour lui « le peuple », « le sentiment populaire, force immense, écrit un ancien défenseur de Dreyfus, à laquelle rien ne résiste dans une démocratie[3] ». Discuter Combes, même dans ses variations, c’est l’hérésie,

  1. Chambre des députés, séance du 12 juin 1902, discours de Combes : « Les œuvres d’assistance et de dévouement, celles où sont en œuvre la seule foi religieuse et le désir d’utilité à l’humanité souffrante, »
  2. Chambre des Députés, séance du 9 juillet 1902, discours de Combes.
  3. Anatole France, préface d’Une Campagne laïque, 36.
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