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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/412

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


s’exclure soi-même du parti républicain. — Et maintenant, on le tenait, on pensait le tenir par la faute d’André, par sa complicité certaine avec André, par ce bas espionnage des officiers systématiquement organisé, par le mot qui s’enfonçait comme une flèche au cœur même de ce pays honnête et loyal : la délation.

« Il fallait bien, dira un ami de Combes[1], que les républicains fournissent des armes à l’adversaire. » Nulle arme plus redoutable que celle-là, plus empoisonnée.

Une campagne de presse adroitement menée[2] avait commencé à révéler qu’il existait au ministère de la Guerre une organisation régulière de la « délation ». André, en réponse à une interpellation du lieutenant-colonel Rousset[3], et ignorant tout de la trahison de Bidegain, insista sur la question de l’avancement au choix. Il affirma à plusieurs reprises « que rien ne le guidait dans la distribution de l’avancement que l’idée de le donner au plus digne ».

Villeneuve demanda alors la parole, donna lecture des lettres de Mollin à Vadecard et d’un certain nombre de fiches. Du frère Bénicourt, de Saint-Quentin, sur le général Lacoste : « Fripouille de mauvais aloi… » Du frère Bernardin, juge de paix à Pont-à-Mousson, sur le général Heurtault : « Jésuite, sale jésuite, triple jésuite qui salit l’armée. » Il en existait des milliers et des milliers de pareilles. Des officiers, qu’il nomma, se seraient faits « délateurs », fournisseurs en gros de l’agence maçonnique[4].

  1. Gérault-Richard (Voir p. 406).
  2. Matin et Figaro.
  3. Sur des incidents qui s’étaient produits dans les écoles militaires.
  4. Le capitaine Baltzinger, les commandants Bouqueiro, Pasquier et Rat.