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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/415

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LA REVISION


procédés ; qu’il demandait pourtant à examiner les documents, « certains pouvant être considérés comme faits pour les besoins de la cause » ; que, si les faits étaient exacts, il prendrait les mesures nécessaires ; bien plus, qu’il n’hésiterait pas à considérer sa responsabilité comme engagée et qu’il viendrait l’offrir à la Chambre[1].

Il ne pouvait parler autrement ; mais les gauches attendaient autre chose, se raccrochaient à l’espoir d’un démenti, de l’affirmation, véridique ou cynique, qu’on était en présence d’une immense mystification. Compromises par lui, par la sottise de Mollin, muettes, elles le regardèrent capituler, flotter, sombrer comme une épave.

Il y avait à la Chambre plusieurs des hommes qui, trois ans durant, avaient lutté, non pas seulement pour Dreyfus, pour l’homme de l’île du Diable, mais pour le droit, la justice, l’épuration, non pas de l’armée par des procédés déshonnêtes, mais de la politique par la morale. C’était à eux de parler, d’arracher aux nationalistes, aux glorificateurs d’Esterhazy et d’Henry, leur récente vertu. Il y a des idées si hautes qu’aucune catastrophe ne peut, ne doit les atteindre ; il fallait les porter plus haut encore. Si toutes les belles croyances étaient mortes, il fallait faire comme ceux des catholiques qui ont perdu la foi : « en garder l’attitude[2]. »

Il y avait une chose à ne pas faire : s’approprier les dépouilles, les façons de raisonner, les accommodements de conscience, les distinguo de l’ennemi qui tenait sa revanche morale.

Sauf Vazeille, c’est ce qu’ils firent pourtant. Gérault-

  1. « Très bien ! très bien ! à gauche. » Pas un applaudissement. « Mouvements divers. » (Compte rendu sténographique.)
  2. C’est ce que dit Sainte-Beuve de quelques-uns des derniers jansénistes. (Port-Royal, IV, 347.)