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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Richard est allé chercher à la Bibliothèque les listes de la souscription Henry, que Mollin avait compulsées avant lui[1]. Il y a trouvé les noms de trente-cinq généraux, de quatre colonels, de quatre-vingt-neuf commandants, de cent quatre-vingt-quatre capitaines, ne dit pas qu’ils étaient presque tous en retraite[2], donne lecture de quelques citations. Est-ce que « la République n’a pas le droit de connaître les tendances politiques des officiers » ? Lui, du moins, « il n’a pas envie d’être bouté hors de France, de recevoir des lavements au vitriol, de se voir tanner la peau ». Puis, voici Jaurès : « Sera dupe qui voudra ! Sera complice qui voudra ! »

Tout à l’heure, Barthou, interrompant Villeneuve, s’est étonné « qu’il n’y eût pas dans la Chambre un mouvement d’indignation unanime devant les faits abominables qui lui étaient dénoncés ». Jaurès le prend à parti, lui rappelle « la journée tragique » où Chanoine déserta, trahit Brisson à la tribune : que fit ce jour-là Barthou ? Il donna le coup de poignard à Brisson, et la République faillit « aller aux abîmes, avec menace de coup d’État ». Aussi, lui, Jaurès, supplie les républicains de retrouver leur sang-froid, de ne pas renouveler cette faute. « Ils n’aideront pas les césariens, entrepreneurs de guerres et d’aventures, à renverser le gouvernement. »

Ainsi, les anciens partisans de Dreyfus, qui siégeaient dans la Chambre, laissèrent à d’autres, à des adversaires ou à des ralliés de la dernière heure, Barthou, Doumer, Noulens, Mirman, Klotz, l’honneur de réprouver ces indignités. « L’immense majorité des membres

  1. Loc. cit., 95.
  2. Voir t. IV, 440.