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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Aux interrogatoires, les trois principaux accusés, Buffet, Déroulède et Guérin, refusèrent de répondre, réservant leurs explications pour l’audience. Les autres, seconds rôles comme de Ramel ou Godefroy, comparses comme Dubuc ou Baillière, protestèrent surtout qu’il n’y avait eu aucun concert entre royalistes et plébiscitaires ; ils n’ont pas suivi la même voie, mais des chemins parallèles ; ils ont conspiré au grand jour, en plein air, ils n’ont pas comploté ; s’ils ont tâché, en effet, les uns et les autres, de renverser ou de modifier la République, ils n’ont pensé qu’à l’armée, pour la défendre contre les traîtres et leurs complices.

Ainsi, ici encore, reparaissait l’Affaire, et il y avait quelque chose de singulier à demander, au même moment, l’amnistie pour une moitié de l’Affaire et des châtiments pour l’autre moitié, à opposer le beau mot d’apaisement à certains procès et à risquer d’aviver par un autre procès les colères et les haines. Mais ces contradictions, relevées surtout par les gens de droite, ne touchaient pas les républicains[1].

Barrès essaya d’apitoyer sur Déroulède, raconta que le ministère, ou le Syndicat, avait voulu le faire « crever ». Déroulède, ayant touché au brouet qu’on lui donnait, eut, pendant trois jours, des vomissements. Il fit savoir à qui de droit que, s’il mourait, ses amis exigeraient une autopsie. Les vomissements cessèrent[2]. Il n’y eut personne qui ne haussât les épaules.

Quelque scrupule, par contre, que Bérenger et ses collègues apportassent à leur instruction, ils ne parve-

  1. Elles furent relevées cependant par Clemenceau et par moi. (Siècle du 25 octobre et du 2 novembre 1899 ; Aurore du 2, du 9, etc.)
  2. Scènes et Doctrines du Nationalisme, 251.