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L’AMNISTIE


coup de railleries à cause de son acharnement à poursuivre la littérature et l’imagerie obscènes, catholique pratiquant, qui n’aurait pas été de Port-Royal, mais qui aurait visité chez ces Messieurs et les eût aidés de ses conseils, et, au physique, de belle taille, le visage massif, les traits accentués, le front haut d’où semblaient sortir la justice et la bonté. Nulle complaisance à attendre d’un tel homme et personne, ni procureur ni avocat, ne se fût risqué à lui en demander.

Quand les coups de force réussissent, l’histoire n’a pas de peine à réunir les preuves du complot qui les a précédés ; ce sont les conspirateurs eux-mêmes qui les apportent comme des titres ou des créances. Il n’en est pas de même quand la vigilance des gouvernements a surpris les conspirateurs avant l’heure.

Bérenger interpréta systématiquement le doute en faveur des accusés et les textes, parce qu’il s’agissait de droit pénal, dans leur sens le plus étroit.

Sur les soixante-sept individus que la police, en août, avait arrêtés, Fabre, juge d’instruction, en avait déjà relâché quarante-cinq faute de preuves. La commission de la Haute-Cour en mit encore cinq hors de cause (Girard, Parseval, Monicourt, Guixou-Pagès et Thiébaud) et elle ne retint contre les autres que l’inculpation du complot[1]. Celle d’attentat fut écartée à l’unanimité, parce qu’il y avait sur ce point chose jugée en faveur de Déroulède. Le complot — s’emparer de l’Élysée par la jonction de l’émeute avec l’armée, changer la forme du gouvernement — fut retenu « avec cette circonstance qu’il avait été suivi d’actes commis ou commencés pour en préparer l’exécution[2] ».

  1. Par 7 voix (Bérenger, Cazot, Chovet, Cordelet, Develle, Dusolier, Morellet) contre deux (Franck-Chauveau et Tillaye).
  2. Haute-Cour, V, 125 et suiv.