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LA REVISION


plus d’un million d’ouvriers), en préparent d’autres[1]. Les universités populaires naissent du rapprochement qui s’est opéré pendant l’Affaire entre la bourgeoisie libérale et la classe ouvrière ; les délégués de la bourgeoisie, « aimant la liberté pour elle-même, non pour ses profits », les intellectuels, heureux et fiers de collaborer à l’émancipation des travailleurs, s’en vont vers les ouvriers, leur apportent les démonstrations scientifiques, philosophiques, se persuadent qu’ils vont aider ainsi à la fusion des classes, à supposer qu’il y ait des classes[2]. Nobles et intelligents efforts vers la paix sociale, vers la fin d’une lutte aussi périlleuse pour ceux qui possèdent que pour ceux qui veulent posséder ; tentatives qui resteront un titre d’honneur pour ceux qui les ont essayées, que l’expérience, trop courte, n’a pas condamnées, qui ont échoué momentanément, pour d’autres causes, par la faute surtout des socialistes parlementaires. En effet, ils ont pensé contenter le peuple en lui jetant tous les matins, comme les Césars d’autrefois le pain et les jeux de cirque, des moines et des prêtres ; loin de le satisfaire, ils l’ont déçu à la fois dans son besoin de bien-être et dans sa soif d’idéal ; finalement, ils ont eux-mêmes renvoyé les masses laborieuses vers les prédicants de la violence, le syndicalisme, les bourses et la Confédération du travail. « Il y a, dans le socialisme français, deux courants : le réformiste et le révolutionnaire ; donc, deux méthodes : la pénétration et l’opposition, brutale et violente[3]. » Jaurès, qui figure le socialisme réformiste,

  1. Voir Millerand, Travail et Travailleurs, 61, 157, etc.
  2. Charles Guieysse, Les Universités populaires et le Mouvement ouvrier, 14 et Suiv.
  3. Fournière, La Course à l’Abîme, dans la Revue Socialiste de novembre 1906.