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LA REVISION


nistes » les plus notoires étaient élus ou réélus[1]. Je fus nommé à Digne. La Droite et le Centre perdaient plus de cinquante sièges[2].

Maintenant que la victoire républicaine était gagnée, l’heure de la justice pouvait enfin sonner. Bien que les conseillers fussent restés impénétrables, le bruit se répandit qu’il y avait une majorité pour statuer au fond et proclamer l’innocence.

Déroulède, le vieux Quesnay, Drumont lui-même y étaient résignés, renonçaient à disputer, presque à injurier. Le seul homme qui aurait tenu jusqu’au bout, réclamé jusqu’au bout contre la justice civile, Cavaignac, était mort[3].

Le temps avait si bien accompli son œuvre, un tel apaisement, voisin de l’oubli, était tombé sur la tumultueuse affaire, que ces audiences publiques des Chambres réunies, envahies sept ans auparavant par une foule haletante, ne furent suivies que par la famille de Dreyfus et un petit nombre d’anciens militants et d’avocats. Nulle précaution de police ; aux abords, dans les galeries du Palais, le calme des jours ordinaires.

Mais où le temps n’avait point réussi, c’était à effacer, même dans ces heures de la commune victoire, les divisions entre les principaux artisans de la revision. Mathieu Dreyfus, dès qu’il aperçut Picquart à l’audience, alla vers lui ; Picquart lui fit signe de la main qu’il n’eût pas à l’aborder ; Mme Zola, témoin de la scène, en eut les larmes aux yeux. Mathieu dit simplement : « Il a tous les droits et j’ai tous les devoirs. »

La destinée avait porté Picquart plus haut que sa

  1. Jaurès, Pressensé, Labori, Edmond Gast, Vazeille, Laroche, Guieysse, Viviani, etc.
  2. 6 et 20 mai 1906.
  3. Le 25 septembre 1905.