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LA REVISION


leur insu, les affirmations d’un supérieur, sinon comme des ordres, du moins comme des vérités supérieures ; hommes d’action, « ils se font une opinion d’après des données sommaires[1] ». Si donc la loi veut qu’il paraisse à nouveau devant la justice militaire, il y paraîtra sans crainte, sinon de la solution la plus vile, irrévocablement honteuse : l’acquittement à la minorité de faveur, la condamnation morale par quatre voix contre trois. Mais si la loi veut que le dernier mot reste à la justice civile et que les Chambres réunies soient juges du fait comme du droit[2], il ne jouera point la comédie, n’en ayant jamais joué, de protester que, soldat, il n’entend être lavé de l’infamie imméritée que par des soldats, et de paraître placer le point d’honneur au-dessus de l’honneur. Ainsi témoignera-t-il, comme par le passé, de son respect de la loi.

En second lieu, il ne veut devoir qu’à son innocence avérée soit l’arrêt de revision, portant sur les faits, soit un verdict d’acquittement. Il pourrait invoquer, soit contre toute condamnation nouvelle, soit même contre toute instance nouvelle au fond, les règles, d’ordre public, de la prescription criminelle, la qualification légale des faits, les effets légaux du décret de grâce et la peine exécutée. Arguments sans doute contestables, contestés dans l’espèce par Moras et par Bau-

  1. C’est ce dont Picquart convient, d’ailleurs, dans son article sur les conseils de guerre.
  2. Revision, II, 220, Baudouin : « Quand il s’agit de la revision, vous êtes, et de par la volonté du législateur, essentiellement juges du fait. Ce que vous avez à rechercher, c’est, non pas si le droit a été bien appliqué aux faits déclarés constants par le juge du fond, c’est si le fait a été bien vu, bien apprécié, bien jugé. Pour cette œuvre, la loi vous investit de tous les pouvoirs. Votre pouvoir est souverain, et rien ne peut l’entraver. »