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LA REVISION


nant tous ceux des bons serviteurs de la justice, qui étaient morts de l’avoir trop aimée et trop longtemps attendue, Scheurer, Trarieux, Zola, Bernard Lazare, Duclaux, Grimaux, le commandant Ducros, Giry, Molinier, et adressa son remerciement aux survivants, dont la liste était à présent à peine plus longue que celle de ceux qui étaient partis, et, d’abord, aux trois officiers Picquart, mis en réforme, mis en prison, mis au secret, poursuivi d’accusations infamantes, et dont chaque témoignage pour la vérité avait été suivi d’une rigueur nouvelle ; « cette conscience d’élite », Hartmann, et Freystætter, qui, lui aussi, avait quitté l’armée, « abreuvé d’amertumes », parce qu’il avait, lui aussi, dit la vérité en libérant sa conscience de juge.

Baudouin avait placé sa péroraison sous l’évocation d’une des pages les plus belles de Pascal, que j’avais rappelée autrefois à Cavaignac[1] : « C’est une étrange et longue lutte que celle où la violence essaye d’opprimer la vérité…[2] » Mornard évoqua Massillon, prêchant devant Louis XIV : « Il vaut encore mieux que l’innocent périsse que si toute la nation allait se révolter contre César, et il faut acheter le bien public par un crime. Et voilà toujours le grand prétexte de l’abus que ceux qui sont en place font de l’autorité ; il n’est point d’injustice que le bien public ne justifie ; il semble que le bonheur et la sûreté publique ne puissent subsister que par des crimes, que l’ordre et la tranquillité des empires ne soient jamais dus qu’à l’injustice et à l’iniquité, et qu’il faille renoncer à la vertu pour se dévouer à la patrie[3]. » Or, nous avions revu

  1. Voir t. IV, 19.
  2. XIIe lettre à un Provincial, in fine.
  3. Petit Carême, Sermon pour le Vendredi Saint : sur les obstacles que la vérité trouve dans le cœur des grands.