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LA REVISION


pièces que Boyer, puis Moras ont retenues ; elles sont « de nature à établir l’innocence de Dreyfus », « entraînent ainsi l’annulation du jugement », rendent dès lors inutile de s’attarder aux autres moyens proposés. La lettre de Panizzardi, sur l’organisation des chemins de fer, au rebut pendant trois ans, inutilisée quand elle portait sa vraie date, était devenue, dès qu’Henry l’eût falsifiée, la meilleure pièce du dossier secret. Mercier, qui la connut tardivement, lui trouva, à Rennes, une telle importance qu’il fut « logiquement amené » à déclarer qu’elle avait été communiquée par lui (avant d’être écrite) aux juges de 1894. Mercier en déduisit encore que le bordereau avait été justement attribué à Dreyfus, stagiaire au service des chemins de fer, où il avait acquis, « au dire de ses camarades », « une connaissance approfondie de cette organisation ». Pareillement, de l’autre lettre de Panizzardi, falsifiée aussi par Henry[1], Mercier a tiré, contrairement à l’arrêt des Chambres réunies, que la pièce « Canaille de D… » s’appliquait bien à Dreyfus, puisque D… continuait à donner « beaucoup de choses très intéressantes » à l’attaché italien. Déjà Cavaignac, pour la même démonstration, l’avait portée à la tribune.

Maintenant, Ballot-Beaupré entre dans le vif de son sujet, au fond même de l’affaire, et tous ces événements surprenants, embellis par le temps, les personnages principaux du drame, et tous ces objets devenus familiers et comme vivants, le bordereau, le petit bleu, le gabarit, le frein du 120, repassent une dernière fois dans les phrases concises de l’arrêt définitif, évoqués d’un mot, comme reviennent, dans la symphonie finale du drame wagnérien, tous les leit-motivs de la Tétralo-

  1. « Dans la période de 1894 à 1898, où furent fabriqués le faux Weyler et le faux Henry. »