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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


le tenait « de son ami Munster, lequel, du reste, ne lui avait, pas demandé le secret ».

Je suis certain que le colonel Stoffel n’a pas inventé cette absurde histoire ; je suis également certain qu’il ne la tient pas de M. le prince de Munster.

M. le colonel Stoffel était, dites-vous, un ami « intime » de M. de Munster ; je me suis rencontré quelquefois avec l’ancien ambassadeur d’Allemagne. Tout le temps que dura l’affaire Dreyfus, de 1894 à 1899, je m’abstins de le voir. Je le revis seulement, au printemps de 1901, au palais de Monaco, chez le prince Albert. Il avait pris sa retraite, écrivait ses Mémoires.

Le tome Ier de mon Histoire de l’affaire Dreyfus venait de paraître ; l’ancien ambassadeur m’exprima son étonnement que la légende, que j’avais essayé de débrouiller, du bordereau annoté et des lettres de l’Empereur allemand ne se fût pas effondrée du premier jour, sous le ridicule.

Je me crus autorisé, un peu plus tard, à demander à M. le prince de Munster quelques renseignements pour la suite de mon histoire.

Vous écrivez à M. Jaurès :

« Dites-moi si une âme française et patriote pouvait rester calme et inactive, en face de données si précises, recueillies à une source qui venait de l’adversaire. »

Je tiens à votre disposition, Monsieur, la lettre autographe que je reçus de l’ancien ambassadeur et dont voici les passages essentiels :


Bückebourg, 20 mai 1901.

Cher Monsieur Reinach,

Le secret professionnel ne m’empêche pas de répondre à vos questions, car je connaissais moins que personne les relations d’Esterhazy et de M. de Schwarzkoppen. Ce dernier savait que je ne permettais pas l’espionnage et m’a laissé dans l’ignorance de ses relations avec Esterhazy.

Lorsque l’affaire Dreyfus a éclaté, j’ai demandé à Schwarz-