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APPENDICE


la cause de Dreyfus, le résumé de notre conversation sous la forme suivante : je disais d’abord que ne connaisant pas l’affaire Dreyfus, je n’avais pas très bien suivi ni compris les explications que vous m’aviez données ; cependant qu’il me restait très nettement à l’esprit la conclusion suivante :

Donc, trois complices : Esterhazy, Lajoux (espion double fort habile), et un troisième personnage mêlé plus ou moins indirectement à cette affaire dans laquelle les deux premiers jouaient le rôle actif.

Et je continuais dans cette lettre : comme bien tu penses, j’ai voulu connaître le nom de ce troisième personnage qui, quoique ignorant du rôle qu’il jouait, a rendu cependant inconsciemment de grands services aux deux complices. Malgré mon insistance extrême, je n’ai pu le connaître. Alors, ai-je dit, ce troisième personnage est Dreyfus, ou du moins vous me le laissez admettre d’autant plus facilement que l’Affaire, vue sous ce nouveau jour, devient claire, ainsi que le rôle du capitaine stagiaire. Je vous donne ma parole d’honneur, m’a répondu l’officier allemand, que ni directement ni indirectement, nous n’avons eu de relations avec Dreyfus.

Dans cette lettre, je demandais à mon ami de ne prononcer ni votre nom ni le mien. Je ne lui donnais ce renseignement que pour le fortifier dans sa conviction de l’innocence de Dreyfus et pour lui indiquer une nouvelle voie.

Le silence a été gardé profond par moi et lui jusqu’à cette année. Mais, la revision de l’affaire Dreyfus venait d’être ordonnée ; je parlai de cette lettre à Joseph Reinach que je connais depuis quinze ans, je lui racontai également notre conversation à l’hôtel « Zum Erbprinzen ». Celui-ci, frappé par l’importance du renseignement, en déposa à la Cour de cassation ; celle-ci me cita alors à comparaître devant elle pour le répéter. Et c’est ainsi qu’hier, j’ai déposé devant elle.

Ne me rappelant plus notre conversation à Karlsruhe,