Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
44
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

On connaissait surtout Waldeck-Rousseau « comme libéral et comme modéré[1] » ; on s’étonna de tant de hardiesse, tant on avait oublié depuis quelques années que les plus modérés et les plus libéraux des parlementaires, sous la monarchie de Juillet et, déjà, sous la Restauration, ne se résignaient pas à admettre que le pays se couvrît indéfiniment de congrégations et de couvents, et qu’ils déniaient aux moines la capacité d’enseigner.

De la longue lutte que le parti républicain venait de traverser, il s’était dégagé beaucoup d’aspirations, politiques et sociales, de revendications de toutes natures de théories généreuses ou imprudentes. Waldeck-Rousseau refusa également de les ignorer et de se laisser entraîner par elles. Il apporta à toutes les questions qui s’imposaient le même esprit pratique, le même sens de la mesure, le même désir de faire le nécessaire et de ne pas faire plus. Il ne déclarera pas la guerre à l’Église ; il la portera seulement chez les congrégations non autorisées[2]. Il ne supprimera pas la liberté d’enseignement ; le projet de Leygues sur la scolarité exige seulement des aspirants aux fonctions publiques, un stage de trois ans, comme sous Louis-Philippe, dans les établissements d’instruction secondaire de l’État. Il ne fera aucune concession aux utopies collectivistes ou, simplement, socialistes ; Millerand propose seulement d’élargir la loi sur les syndicats professionnels et met à l’étude une loi sur la constitution d’une caisse des retraites ouvrières, comme en Allemagne. Il n’abolira pas

  1. Anatole France, préface d’Une Campagne laïque, recueil des discours de Combes.
  2. 905 congrégations de femmes et 5 congrégations d’hommes autorisées ; 606 congrégations de femmes et 147 congrégations d’hommes non autorisées.