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L’AMNISTIE


la justice militaire, mais se met d’accord avec Galliffet pour renvoyer à la juridiction ordinaire, en temps de paix, les crimes et délits de droit commun, faire passer à la Cour de cassation les recours contre les jugements des conseils de guerre, et réformer leurs parquets.

Tous ces projets furent adoptés à l’unanimité par le conseil des ministres où Galliffet ne se montra pas le moins résolu. L’un des rares généraux de la République qui n’eussent pas cherché à se mettre en bonne posture auprès du Père du Lac, il s’était inquiété depuis longtemps des progrès de l’esprit clérical dans l’armée, était décidé à bousculer les « jésuitières » et, possédant supérieurement le sens de l’autorité, avait signifié nettement qu’il entendait être maître chez lui. Il venait ainsi de prendre, en guise d’avertissement, un décret fortement motivé qui enlevait au Conseil supérieur de la guerre et aux commissions supérieures de classement la désignation des officiers généraux. Qu’« aux yeux des officiers qui ont l’espoir d’arriver aux plus hautes situations de l’armée, le gouvernement et le ministre de la Guerre ne soient rien », que les commissions « soient tout », c’était, selon Galliffet, « le renversement de toutes les règles de la logique et de la sagesse » ; ces règles n’avaient pu être méconnues que par la faiblesse de Freycinet quand il recherchait, par une telle abdication, la faveur des grands chefs ; désormais, plus d’oligarchie militaire, se recrutant elle-même, mais le ministre, le chef de l’armée, rétabli dans la plénitude de son pouvoir et de ses droits. Les propositions d’avancement lui seront soumises ; il choisira, décidera seul[1].

  1. 29 septembre 1899 : « Le ministre décide (seul) des nominations à soumettre, en conseil des ministres, à la signature du Président de la République. »