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L’AMNISTIE


faits » ; en outre, « toutes actions criminelles ou civiles relatives à ces faits seront éteintes ».

Ainsi un seul jugement subsistait, celui de Rennes, parce qu’il n’eût pas été possible de le supprimer sans priver Dreyfus de son droit d’en poursuivre la revision ; — il n’y avait pas d’exception à l’extinction des actions criminelles, même pour la trahison et le meurtre ; et l’extinction des actions civiles ne constituait pas moins qu’un retour au droit royal d’abolition.

Milliard, ancien garde des Sceaux, qui faisait partie de la commission, demanda si le gouvernement ne serait pas disposé à étendre l’amnistie au complot qu’il avait déféré à la Haute-Cour. Waldeck-Rousseau répondit que non.

Le procès de Zola avait été indiqué pour le 21 novembre à Versailles, le mien pour le 21 décembre à Paris. Ils furent aussitôt rayés des rôles par ordonnances des présidents d’assises, ajournés à une date indéterminée. « Attendu que les faits visés par la citation paraissent être de ceux qui doivent être couverts par le projet d’amnistie[1]. » À quoi bon mettre en mouvement toute la machine judiciaire, entendre des témoins, plaider pendant des audiences, pour un arrêt qui ne sera jamais exécuté ?

On s’étonna que le seul fait par le gouvernement d’avoir saisi une commission sénatoriale d’un paragraphe à ajouter à un vieux projet d’amnistie, fût suffisant pour arrêter le cours de la justice. Clemenceau, surtout, s’en indigna : « Le beau de l’amnistie, c’est que, pour produire ses effets, elle n’a pas besoin d’être… Vous portez la main sur toutes les garanties des citoyens ;

  1. Ordonnances du président Ditte pour l’affaire Zola, du président Mercier pour la mienne.