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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


vous semez dans les consciences le mépris des lois[1]. »

Picquart, quelques jours auparavant[2], avait adressé à Waldeck-Rousseau une lettre très vive. Depuis qu’il avait échoué dans sa demande d’une enquête supplémentaire sur l’affaire Boulot et celle des pigeons voyageurs, il insistait pour être jugé, réclamait de Galliffet la réunion du conseil de guerre ; il tint à le dire dans une lettre publique : « J’ai hâte de démontrer que les accusations portées contre moi reposent sur la fraude et le mensonge… Je proteste contre l’amnistie de toutes mes forces. Amnistier un homme injustement accusé, c’est lui enlever la réparation morale à laquelle il a droit. » Il demandait en outre l’ouverture d’une instruction contre Gonse, « toujours en possession de son grade », en raison « de son rôle louche dans l’affaire du faux Henry », et contre Gribelin, « toujours pourvu d’un emploi de confiance au ministère de la Guerre ».

Nulle protestation plus légitime ; mais aucun gouvernement, même hostile à l’amnistie, n’aurait engagé de poursuites sur l’insinuation que Gonse aurait été associé au faux d’Henry.

La convocation du conseil de guerre dépendait du gouverneur de Paris ; Brugère ne prit pas d’ordre de jugement ; mais on opposa l’amnistie à la plainte de Picquart contre le beau-frère de Rochefort qui avait produit dans son journal[3] la fausse photographie, sortie des ateliers d’Henry, où il était représenté en conversation avec Schwarzkoppen. On l’opposa également aux procès de Zola contre Judet et contre les experts. Un seul procès fut retenu, celui de Labori contre

  1. Aurore du 29 novembre 1899.
  2. 12 novembre 1899.
  3. Le Jour.