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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Fallières présida avec beaucoup d’impartialité et l’indulgence qui était de son caractère[1].

Les interrogatoires des royalistes occupèrent trois audiences. Buffet ne cacha rien de ses sentiments. Il a « la haine » de la République ; « même en prison, il travaillera à sa destruction » ; mais il n’a conspiré ni avec les plébiscitaires, ni avec les antisémites. Toutefois « deux liens » unissent les accusés disparates « dont plusieurs ne se sont jamais parlé » : c’est la recherche de l’homme qui débarrassera le pays de la République, — quel qu’il soit, cet homme aura l’aide de Buffet, — et c’est « la défense de l’armée contre les outrages dont on l’abreuve ». — De Ramel, la tête certainement la plus forte du parti, et Godefroy ne contestèrent pas qu’ils s’étaient donné beaucoup de mouvement pour recueillir de l’argent, mais c’était « pour fonder un grand journal royaliste », nullement pour aider à un coup de force. — Les autres, Chevilly, Sabran, Bourmont, le baron de Vaux, Fréchencourt étaient des correspondants du Duc, ou avaient brouillonne à côté des événements.

On passa alors à Déroulède. De sa plus aigre voix, il raconta à nouveau son histoire, telle qu’il l’avait arrangée peu à peu et à laquelle il avait fini par croire : comment il s’était « servi » de Gambetta, avait « suscité » Boulanger, mis ensuite son espoir en Casimir-Perier et en Félix Faure. Il ne s’est résolu à travailler seul, à renverser la République parlementaire par la force, qu’après l’élection de Loubet : « À Président indigne, présidence troublée… » (La Cour

  1. Clemenceau lui en fit grief : « Il paraît tomber de la lune… Le caractère et l’autorité sont les deux principales qualités dont Fallières est le plus manifestement dépourvu. » (Aurore du 12 novembre 1899.)