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L’AMNISTIE


sur le dos ! Ça me salira et ça ne leur fera même pas plaisir ! Il n’y a qu’à leur taper sur le museau[1]. »

Les royalistes qui ne se souciaient pas d’être condamnés soulevèrent la question de compétence. Selon Devin, avocat de de Ramel, la Haute-Cour, compétente pour juger le crime d’attentat, ne l’était pas pour celui de complot. Ce fut également l’avis du vieux Wallon et des deux premiers présidents de la Cour de cassation et de la Cour des comptes, Mazeau et Boulanger. Wallon, « le père de la Constitution », comme on l’appelait, alla jusqu’à dire que « juger autrement serait une forfaiture ». Le procureur général Bernard, à l’audience publique, et Chaumié, sénateur de Lot-et-Garonne, à l’audience secrète, leur répliquèrent. La Cour se déclara compétente, comme elle avait fait dans le procès de Boulanger et pour les mêmes raisons, mais, seulement par 157 voix contre 91. Elle décida ensuite que ceux de ses membres qui n’avaient pas assisté à sa première séance, du 18 septembre, ne pourraient pas siéger.

L’appel et le défilé des témoins, au nombre de trois cents, fut l’occasion d’un premier scandale. Ceux qui étaient cités par les accusés les acclamèrent, en passant devant la Cour, et chantèrent, par manière de défi, la Marseillaise. Barrès, qui en était, expliqua « qu’ils étaient excités par le mépris que leur inspirait le lieu ». Il s’amusa beaucoup de son camarade Papillaud qui interpella ainsi un sénateur : « Enfin ! vous appelez-vous Bidard, Bidon, Bidault ou Bidet[2] ? » Guérin, de temps à autre, se levait, donnait au président « des conseils pour l’organisation d’un meilleur service d’ordre ».

  1. Barrès, 151.
  2. Ibid., 255.