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CHAPITRE III

L’ARRESTATION

I

Mercier et ses principaux collaborateurs attendaient d’importants résultats de la scène de la dictée. Fausse épreuve, puisque l’ordre d’arrestation avait été donné ferme ; capitale toutefois, puisqu’elle avait pour objet de provoquer chez l’homme un trouble qui les justifierait.

En effet, s’ils s’étaient hallucinés à croire à la culpabilité de Dreyfus, ils n’en sentaient pas moins, sourdement, la fragilité de leurs présomptions. Ils répétaient que le rapport de Bertillon était décisif et qu’ils avaient d’autres preuves. Mais ils savaient que l’expertise de Gobert était négative et que celle de Bertillon laissait une porte ouverte au doute.

Ils ne s’en accrochaient que plus à leur idée, les uns par haine du juif, les autres, ceux qui, les premiers, avaient découvert le nom de Dreyfus, par amour-propre d’auteur. Toutefois, il ne serait pas vrai de dire qu’ils eussent décidé sciemment la perte d’un innocent. Leur état d’âme était plus complexe, le drame moins simple.