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LA « LIBRE PAROLE »


« Reconnaissez-vous la ressemblance des écritures ? — Oui, il y a des ressemblances dans le détail, mais l’ensemble ne ressemble pas. » Et, comme s’il eût voulu chercher des excuses à ses chefs, il concède que cette ressemblance « a pu donner prise aux soupçons » ; il demande à être entendu par le Ministre. Il proposera à Mercier de « l’envoyer n’importe où, pendant un an, sous la surveillance de la police, tandis qu’on procédera à une enquête approfondie au ministère de la Guerre ».

Le lendemain, 31, Du Paty l’interrogea une dernière fois, après avoir pris les ordres de Mercier : « Voici les rapports des experts qui déclarent que la pièce incriminée est de votre main ; qu’avez-vous à répondre ? — Je vous déclare encore que jamais je n’ai écrit cette lettre. — Le ministre est prêt à vous recevoir si vous voulez entrer dans la voie des aveux ? » (Ainsi, il ne répugnait pas à Mercier de donner audience à un traître, mais à un innocent.) Dreyfus répondit : « Je vous déclare encore que je suis innocent, et que je n’ai rien à avouer. Il m’est impossible, entre les quatre murs d’une prison, de m’expliquer sur cette énigme épouvantable. Qu’on me mette en rapport avec le chef de la Sûreté, et toute ma fortune, toute ma vie seront consacrées à débrouiller cette affaire. »

III

Le 30 octobre, la séance de la Chambre fut très dure pour Mercier. Un des membres de l’assemblée avait été élu député, l’année précédente, alors qu’il n’avait pas encore accompli l’engagement décennal qui tient lieu de service militaire pour les membres de l’Université.