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MERCIER


Le ministère de la Guerre avait été mis en cause à propos de la défense des côtes. Il expliqua la législation qui répartit cette défense entre les deux administrations de la marine et de la guerre, la difficulté d’établir les points de soudure, la nécessité d’une direction unique, d’une même volonté rassemblant dans un effort harmonieux les forces de terre et de mer, les travaux en cours dans l’île de Corse, ceux de la presqu’île du Cotentin. Il parlait avec facilité, trouvant, sans avoir l’air de les chercher, les formules nettes, un peu roide, mais sans embarras, sûr de lui, les mains derrière le dos, comme un vieil habitué de la tribune.

La forte ordonnance de son discours, l’apparente maîtrise qu’il avait de son sujet, son allure militaire, conquirent, du premier coup, la Chambre. Mais, surtout, ses affirmations optimistes enchantèrent, succédant aux prévisions sombres des interpellateurs et à un faible discours, à peine entendu, de l’amiral Lefèvre.

Les députés, qui votent sans compter milliards sur milliards pour la défense nationale, aiment à entendre dire, d’une bouche autorisée, que l’argent des contribuables a été employé utilement, que l’armée est préparée à toutes les éventualités, que la mobilisation de ses énormes forces est organisée partout. Mercier ne se fit pas faute de produire ces affirmations. Nos côtes étaient armées, la situation de la Corse formidable. « Allez ! monsieur le ministre, lui criait un député de la droite[1], cela fait du bien de vous entendre ! » Les applaudissements crépitaient. Mercier termina par un couplet qui souleva encore les bravos : « Si l’ennemi avait l’inspiration malheureuse de frapper du pied, n’importe où, le sol de notre patrie, il en verrait surgir des légions

  1. Le vicomte de Montfort.