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LA « LIBRE PAROLE »


pour un crime politique, et que dès lors la peine de mort n’est pas applicable, c’est une désolation. Cette presse de sang éclate en cris de fureur, maudit la Constitution de 1848 qui a aboli la peine de mort en matière politique.

Cent journaux reproduisent le récit du supplice qu’a subi, en Chine, le capitaine Tso, accusé d’avoir renseigné un général japonais, « exemple salutaire à ceux qui tenteront de l’imiter ». Le bourreau lui a brûlé les paupières avec un tisonnier rougi, arraché la langue, mis le feu à ses mains et à ses pieds enduits de goudron, écrasé le nez, brisé les dents à coups de marteau et donné un lavement avec une seringue remplie d’huile bouillante. « Le traître expire alors et l’on jette son corps, devenu une loque sanglante, au charnier. » Un lecteur du Petit Journal propose de mettre Dreyfus « dans une cage de fer, comme une bête fauve », et de le faire passer ainsi devant les régiments, avant de le fusiller[1].

Ce peuple, aimable et bon, rapprend, avec la haine, la férocité. Dès que le fanatisme y rentre, l’âme redevient une caverne d’animaux de proie.

Comment cet être abject, portant sur son visage toute la vilenie de sa race, a-t-il pu être appelé au bureau le plus important de l’État-Major ? « Il était le protégé de Reinach[2]. » « Il est l’ami, le protégé de Joseph Reinach, le forgeron des justes lois pour conduire à la mort un général glorieux qui inquiétait Bismarck[3]. »

Le général Riu[4] en donne sa parole. « Reinach

  1. Petit Journal du 10 novembre.
  2. Libre Parole des 2, 6, 8 novembre. Je déclarai dans une lettre publique à l’Agence Havas n’avoir jamais vu ni recommandé le capitaine Dreyfus (12 novembre). La légende persista.
  3. France du 4.
  4. Le général Riu était un protégé de Gambetta, qui l’avait appelé au commandement du Palais-Bourbon. Lorsque le