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MERCIER


ne sera plus demain qu’un intrigant, expert aux roueries de la politique, sans scrupule, presque naïf en son cynisme.

Peu de jours avant la chute du ministère Casimir-Perier, le général Mercier défendit, devant la Chambre, un projet de loi relatif aux modifications de l’artillerie et du génie. Le rattachement des pontonniers au génie était raisonnable ; il permettait surtout la constitution de 28 batteries d’artillerie montées qui faisaient défaut. Mercier expliqua sa réforme dans un discours vigoureux, topique, où il s’éleva aux idées générales. Le projet fut adopté à une forte majorité.[1]

III

Ce nouveau succès le consacra, l’imposa à Dupuy quand la succession de Casimir-Perier échut au président de la Chambre qui redevenait président du Conseil[2]. D’un gouvernement présidé par un homme d’État qui avait ses faiblesses, mais était préoccupé seulement du bien public, il tombait dans un cabinet mené par un politicien retors, sans principes, Machiavel de réfectoire. S’il s’en aperçut, ce fut, gâté qu’il était déjà, pour s’en réjouir et se sentir plus à l’aise. Et, du coup, il se crut indispensable, désormais inamovible.

Depuis quelque temps, un changement paraissait en lui. Il tranchait de tout, sec, hautain, d’une infatuation provocante, infaillible et sûr de son étoile. Point de pire ambition que celle qui vient sur le tard, après une

  1. 21 mai 1894.
  2. 30 mai 1894.