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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


photographie du bordereau ; Dreyfus avait affirmé qu’il n’en était pas l’auteur[1].

Puis, sur le conseil de Du Paty, il avait entendu les témoins à charge, Fabre et D’Aboville[2], qui racontèrent leur rôle à l’origine de l’affaire, et les camarades de l’État-Major. Chacun dit ce qu’il avait vu ou cru voir, entendu ou cru entendre, mille choses qui n’avaient aucun rapport ni ensemble ni avec l’accusation, — tous sincères, les uns dans leur superposition de mémoire, les autres dans leur haine.

Gendron, ayant fréquenté chez Mme Déry, « Hongroise qui parlait allemand », a su de son amant, un ancien officier, qu’elle connaissait Dreyfus. L’amant la prenait pour « une femme du monde » ; Gendron trouvait que « ni son âge ni sa beauté ne justifiaient le confortable de ses toilettes ». Bertin, « sans avoir demandé » l’accusé, l’a eu dans son service : « Après avoir semblé apporter le plus grand intérêt à l’étude du réseau de l’Est, Dreyfus avait montré une extrême nonchalance pour traiter les questions du service courant[3]. » Boullenger « a constaté que Dreyfus connaissait parfaitement le service du quatrième bureau », le même où Bertin accusait sa négligence, mais le capitaine « lui avait posé des questions auxquelles il n’avait pas pu répondre, malgré les relations de camaraderie ». Besse juge ainsi le prisonnier : « Caractère vantard et très assuré » ; Dreyfus lui a demandé, de la part d’un officier, dont il a oublié le nom, la liste des quais mili-

  1. 5 novembre.
  2. Toutes ces dépositions sont reproduites au tome II de l’enquête de la Cour de cassation, p. 30 et suiv.
  3. « Quand je suis arrivé au 4e bureau, il n’y avait rien à faire… Le service courant était tellement nul qu’on dut donner aux stagiaires un travail fictif de transport. » (Notes manuscrites de Dreyfus, dossier de 1894.)