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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Enfin, Gonse raconta, à sa façon, son entretien avec Gobert ; Bertillon confirma son expertise et reprocha à Pelletier de n’être pas venu le voir ; il lui aurait remis des « pelures » importantes ; Gobert maintint son rapport d’octobre, et reconnut en avoir causé avec Pelletier, mais seulement après que celui-ci eut fait le sien ; et Henry, très brièvement, affirma, sous serment, que son récit mensonger de son entretien avec Dreyfus était exact[1].

L’instruction en était là, le 12 novembre, et c’était l’effondrement des charges accessoires. Toujours rien en dehors du bordereau, d’une attribution si terriblement contestée, et, dans la pensée même des chefs, charge suffisante pour motiver une arrestation, mais insuffisante pour condamner[2].

Ils eussent bien condamné Dreyfus, et sur beaucoup moins, les uns qui s’étaient hypnotisés à le croire coupable, les autres parce que leur intérêt ou leur amour-propre voulaient qu’il le fût.

Mais qui oserait répondre du verdict des juges, même à huis clos, quand ils se trouveraient devant cette seule pièce ? Quoi ! l’État-Major, la presse, la voix publique, depuis tant de jours, avaient annoncé tant de preuves écrasantes ! Où étaient-elles ?

On n’emporterait la condamnation que par d’autres preuves, par d’autres pièces.

  1. Dépositions des 7, 8, 9, 10 et 12 novembre (Cass., II, 39 à 57). Le deuxième interrogatoire de Dreyfus est du 14. Les dernières dépositions recueillies, Maistre, Tocanne, Pelletier, Bernollin, Dervieu et Roy, sont des 16, 17, 20, 21 et 28 novembre.
  2. Mercier, même à Rennes en convient. Ayant rappelé le propos de Du Paty que, si Dreyfus était sorti victorieux de l’épreuve de la dictée, arrestation n’aurait pas eu lieu, Labori demande : « Est-ce que ce propos correspondait au sentiment personnel de M. le général Mercier ? — J’avais encore, répond Mercier, une certaine indécision. » (Rennes, II, 199).