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LA CAPITULATION DE MERCIER

Si, du premier jour, l’État-Major, presque tout entier, a cru Dreyfus coupable, c’est qu’il est juif et que l’écriture du bordereau ressemble à la sienne, mais, aussi, parce que d’autres pièces, avant le bordereau, dérobées dans des ambassades, dénonçaient une vaste entreprise d’espionnage. Il était commode, rassurant, de résumer tous ces crimes sur ce seul nom.

Raison qui n’en est pas une devant la Raison, mais qui est humaine par son infirmité même.

Aussi bien, puisqu’on croyait tenir le traître, était-il légitime de chercher, parmi ces papiers accumulés, s’il n’y en avait pas qui s’appliquassent à lui. Seulement, en une matière si délicate, quand il s’agit de l’honneur d’un homme, la plus sévère critique devra présider au choix des pièces. Et, si l’on en trouve, ou si l’on en croit trouver, ces pièces, qui deviennent des charges, devront, comme toutes les charges, être communiquées à l’accusé et discutées par lui. Ainsi le veulent et l’équité et la loi.

C’était l’usage, dans tous les procès d’espionnage, de faire ainsi rechercher par le bureau des renseignements les pièces « de service » qui, plus ou moins, se pouvaient rapporter à l’affaire en cours. Sandherr ne fit que s’y conformer en prescrivant à Henry d’agir de même en ce qui concernait Dreyfus[1].

Henry réunit huit ou neuf pièces et en composa un dossier qu’il remit à Sandherr[2].

  1. Cass., I, 300 ; Rennes, II, 514, Cordier. — Henry l’a raconté lui-même au procès Zola : « Au mois de novembre, un jour le colonel Sandherr est entré dans mon bureau et m’a dit : Il faut absolument que vous recherchiez, dans vos dossiers secrets, tout ce qui a trait aux affaires d’espionnage… » (Procès Zola, I, 375.)
  2. Procès Zola, I, 376, Henry : « J’ai recherché ce que j’avais et j’ai retrouvé, je crois, huit ou neuf pièces — je ne me sou-