l’injure déforme toujours l’esprit de l’insulteur. Il voit gros, parle sans mesurer la portée de ses mots. Il faut un coupable à Cassagnac. « Si Dreyfus n’est pas coupable, c’est le Gouvernement. » On dirait qu’il veut rendre l’acquittement impossible. « S’il était démontré que, sans preuves suffisantes, absolues, le Gouvernement a commis cette infamie, ce crime horrible de salir l’armée, en accusant un officier du plus épouvantable des forfaits, si le capitaine Dreyfus est acquitté, le ministre de la Guerre devient le traître : il n’est pas de châtiment qu’il ne mériterait. »
Et, se grisant d’invectives, Cassagnac appelle Mercier « un sous-Boulanger », un saltimbanque ; il gouaille les thuriféraires qui l’exaltent, « seul honnête homme au milieu d’une bande de fripouilles ». Enfin, il prédit que « si Dreyfus est acquitté. Mercier saute »[1].
Maladresse insigne que de coller l’affaire Dreyfus au dos de Mercier, comme la tunique aux épaules d’Hercule. Aussitôt le général Riu, aide de camp parlementaire de Mercier, se fait questionner par un rédacteur de la Patrie[2] : « Aujourd’hui, dit-il, il faut être pour Mercier ou pour Dreyfus ; je suis pour Mercier. » Et ce fut le mot d’ordre : Dreyfus ou Mercier.
Rochefort, Drumont, tous l’adoptèrent, le répétèrent avec joie[3]. Le jour de la première audience, la Croix et d’autres journaux annoncent que, si Dreyfus est acquitté. Mercier et Boisdeffre donneront leur démission.
Saint-Genest essaya de réparer la faute commise. Le matin du procès, il protesta contre l’inique dilemme[4]. Quoi ! des journaux ont publié des articles intitulés