Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, La Revue Blanche, 1901, Tome 1.djvu/461

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LE PROCÈS


Maurel rompit le scellé. À ce moment, Roche, l’un des juges, s’aperçut que les volets n’étaient point fermés, que quelqu’un eût pu regarder au travers ; il se leva et les poussa. Maurel alors lut la première pièce, la notice biographique qui imputait à Dreyfus une longue série de trahisons, depuis son séjour à l’École de guerre où il avait livré à l’Allemagne une conférence confidentielle sur la mobilisation, et à l’école de Bourges où il avait vendu le secret d’un obus à la mélinite, — espion chevronné déjà quand il entre à l’État-Major. La note était écrite sur papier à en-tête du cabinet du ministre de la Guerre[1] ; c’était, pour ces soldats, la parole même de Mercier.

Maurel donna quelques courtes explications. Le correspondant habituel de Dreyfus était l’attaché militaire allemand, mais il avait trafiqué aussi des secrets de la défense avec l’attaché militaire italien ; en fait, il renseignait toute la Triple Alliance. Les attachés italien et allemand travaillaient en commun, se communiquaient leurs butins respectifs, écrivaient souvent ; mais, prudents, ils signaient leurs billets de pseudonymes, Alexandrine et Bourreur.

De qui Maurel tenait-il ces indications si précises ? Les juges pensèrent que c’était de Mercier ou de Boisdeffre.

Il raconta encore qu’un attaché militaire, ami de la France, avait signalé le traître à l’État-Major.

Ce récit parut une confirmation de celui d’Henry. Oui pouvait être cet attaché, sinon celui de Russie ?

D’un geste las, visiblement ému, Maurel passa les

    quand j’ai vu le dossier et surtout le commentaire qui l’expliquait, que je me suis rendu compte du danger effroyable qu’il y a à se fier à une impression d’un moment et à ne pas soumettre à la discussion publique des pièces, si importantes qu’elles puissent paraître. » (Rennes, I, 381.)

  1. Récit du général (alors commandant) Gallet.